Savoir et comprendre

Les cancers de la thyroïde après un accident nucléaire

18/01/2021

 

​​​​​​Les accidents de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima Daiichi en 2011 sont les deux seuls accidents nucléaires classés au niveau maximum de l’échelle internationale des événements nucléaires (INES), bien que les niveaux de contamination soient bien plus faibles autour de la centrale de Fukushima Daiichi qu’autour de celle de Tchernobyl.

 

À ce jour, le cancer de la thyroïde chez les personnes exposées pendant l’enfance et l’adolescence est le principal effet sanitaire démontré associé aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl, dû à l’iode 131.

 

Après l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi, en se basant sur l’expérience acquise de l’accident de la centrale de ​Tchernobyl, un dépistage systématique du cancer de la thyroïde a été mis en place dans la préfecture de Fukushima chez les jeunes âgés de moins de 18 ans au moment de l’accident. À ce stade, environ 10 ans après l’accident, il est encore prématuré de se prononcer sur une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde due à l’accident de Fukushima Daiichi.

 

Ce qu’il faut savoir sur le cancer de la thyroïde

 

La thyroïde est une glande située au niveau du cou dont la fonction principale est de fabriquer des hormones à partir de l’iode présent naturellement dans l’alimentation (poissons, fruits de mer, laitages…). Ces hormones thyroïdiennes sont indispensables au bon fonctionnement de l’organisme et, en cas d’ablation de la thyroïde, un traitement hormonal substitutif est prescrit à vie.

 

Le développement de nodules au niveau de la thyroïde est très fréquent, sous forme liquide (kystes) ou solide. Ces nodules thyroïdiens sont généralement bénins, avec seulement 10 à 15 % des nodules qui sont de nature cancéreuse. Le cancer de la thyroïde survient environ trois fois plus chez la femme que chez l’homme, et l’incidence de ce cancer varie d’un pays à l’autre : par exemple, en 2012, les taux de cancers thyroïdiens pour 100 000 femmes étaient de 89 en Corée du Sud, 20 aux États-Unis, 15 en Italie, 13 en France, 8 en Finlande et 6,5 au Japon. Il est très rare avant l’âge de 15 ans et représente moins de 1 % de l’ensemble des cancers de l’enfant.

 

Il existe plusieurs types de cancer de la thyroïde :

  • les cancers différenciés (papillaires ou folliculaires) : les cancers papillaires sont les plus fréquents, représentant environ 80 % des cancers de la thyroïde. Ils sont principalement diagnostiqués entre 30 et 50 ans et sont de bon pronostic. Les cancers folliculaires représentent environ 10 % des cancers de la thyroïde. Ils sont généralement peu agressifs et de progression lente ;
  • les cancers indifférenciés (anaplasiques) : ils surviennent principalement chez les personnes âgées (environ 1 % des cancers thyroïdiens), le pronostic est très sombre, avec une espérance de vie de l’ordre de quelques mois ;
  • les cancers médullaires (familiaux) : le pronostic des cancers médullaires est plus réservé avec une survie de 65 % 10 ans après le diagnostic.

 

En général, le processus de diagnostic d’un cancer de la thyroïde débute parce qu’un patient présente des symptômes évocateurs de cette maladie ou parce que des nodules sont détectés fortuitement lors d’un examen clinique de routine.

 

La réalisation d’un dépistage systématique par échographie dans une population qui ne présente pas de signes cliniques évocateurs d’un cancer de la thyroïde peut révéler des cancers thyroïdiens qui n’auraient pas progressé (généralement de très petite taille) et n’auraient jamais été diagnostiqués en l’absence de dépistage. En effet, le cancer de la thyroïde a la particularité de progresser généralement lentement et ne provoque des symptômes que lorsqu’il est à un stade avancé. Ces cancers diagnostiqués lors d’un dépistage correspondent à ce que les cancérologues appellent des cancers indolents ou quiescents. La détection précoce de ces nodules cancéreux n’améliore ni la santé ni la survie des patients, mais peut au contraire altérer leur qualité de vie à cause d’un traitement médical et/ou de complications chirurgicales. Le dépistage du cancer de la thyroïde entraîne donc un sur-diagnostic des cancers thyroïdiens, c’est-à-dire une détection de cas pour lesquels une prise en charge n’apporte aucun bénéfice médical.

 

La glande thyroïde est un organe particulièrement sensible aux rayonnements ionisants, en particulier après une exposition dans l’enfance. Chez des individus exposés aux rayonnements ionisants durant l’enfance, le risque de survenue d'un cancer thyroïdien varie selon le type d'exposition (irradiation externe ou interne), le type histologique de cancer thyroïdien (papillaire, folliculaire...), l'âge à l'exposition, le temps écoulé depuis l'exposition, la présence d'une carence en iode, etc. L'augmentation de ce risque peut être très élevée, pouvant aller jusqu'à un risque multiplié par 20 pour une dose à la thyroïde de 1 Gy d'après certaines études sur les irradiations externes.​​

 

Risque de cancer de la thyroïde dû aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl

 

Dès le début des années 1990, des médecins pédiatres de Biélorussie et d’Ukraine ont constaté une augmentation importante du nombre de cancers de la thyroïde, principalement de type papillaire, chez des enfants et adolescents exposés aux retombées radioactives après l’accident de Tchernobyl. Par la suite, de nombreuses études ont montré que cette hausse était principalement due aux iodes radioactifs relâchés durant l’accident, l’incidence de ce cancer augmentant avec la dose de rayonnement à la thyroïde.

 

Afin de mieux caractériser l’augmentation du risque de cancer de la thyroïde suite à l’exposition aux iodes radioactifs, un dépistage de la thyroïde comprenant une imagerie par ultrasons et un examen clinique a été mis en place pour environ 13 000 enfants en Ukraine et 12 000 en Biélorussie (âgés de 18 ans ou moins en 1986) chez qui des mesures directes de l’activité radiologique thyroïdienne avaient pu être réalisées dans les 2 mois qui ont suivi l’accident de Tchernobyl. Ces dépistages ont été effectués plus de dix ans après l’accident, une fois que l’augmentation de l’incidence du cancer de la thyroïde avait été bien établie chez les jeunes âgés de 18 ans ou moins au moment de l’accident.

 

En Russie, un examen clinique annuel réalisé sur la population, complété par une échographie ou d’autres procédures d’imagerie si nécessaire, a été mis en place en 1991 parmi les 110 000 résidents des régions les plus contaminées âgés de moins de 18 ans au moment de l’accident. 

 

L’ensemble de ces études a montré une augmentation significative du risque de cancer de la thyroïde chez les personnes exposées aux retombées radioactives dans l’enfance et l’adolescence, avec un risque multiplié par 2,5 à 6 pour une dose de 1 Gy selon les études. Elles ont également permis d’estimer la part respective du dépistage et de l’exposition aux rayonnements ionisants dans l’augmentation du risque de cancer de la thyroïde.

 

D’après le bilan sur le cancer de la thyroïde en Ukraine, Biélorussie et dans les régions les plus contaminées de Russie, publié en 2018 par le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR), 19 233 cas de cancer thyroïdien ont été diagnostiqués sur la période 1991-2015 chez les personnes âgées de moins de 18 ans au moment de l’accident, soit presque 3 fois plus que sur la période 1991-2005. Sur la dernière période 2011-2015, 7 630 nouveaux cas ont été diagnostiqués au total, dont 80 % de femmes. Cette augmentation au cour du temps de l’incidence du cancer de la thyroïde chez les moins de 18 ans au moment de l’accident est attribuable à la hausse des taux de base de cancer avec l’âge (le risque de cancer augmentant spontanément avec l’âge), à l’exposition aux rayonnements ionisants et à l’amélioration des méthodes de détection médicale. L’UNSCEAR a estimé qu’environ 25 % de ces cancers de la thyroïde étaient attribuables à l’exposition aux rayonnements ionisants (entre 7 % et 50 % étant donné les incertitudes). 

 

Evolution des cancers de la thyroïde après l'accident nucléaire de Tchernobyl - Sources UNSCEAR 2018

 

FOCUS : Le risque de cancer de la thyroïde attribuable aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl en France​

En 2000, une étude de l’IRSN et de l’Institut national de Veille Sanitaire (aujourd’hui Santé Publique France) a estimé le nombre théorique de cancers de la thyroïde sur la période 1991-2015 attribuables aux retombées radioactives de l’accident de Tchernobyl parmi les 2,3 millions d’enfants de moins de 15 ans résidant dans l’Est de la France en 1986. L’estimation aboutissait à un nombre très faible de cancers de la thyroïde théoriquement attribuables aux retombées radioactives de l’accident : entre 7 et 55 cas en excès.

Cette estimation était du même ordre de grandeur que l’incertitude associée au nombre attendu de cancers de la thyroïde en l’absence d’exposition accidentelle à l’iode 131 au sein de cette population (889 ± 60 cas spontanés).

Ce constat s’explique par la faiblesse des doses dues aux retombées de l’accident de Tchernobyl en France (de l’ordre de 100 fois moins que celles reçues par les enfants de Biélorussie parmi lesquels une augmentation du nombre de cancers thyroïdiens a été décelée). L’étude concluait qu’un tel excès de cas serait très difficilement détectable par une étude épidémiologique (Rogel et al. BEH 2016).

 

Risque de cancer de la thyroïde après l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi

 

Peu de temps après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en 2011, sur la base du retour d’expérience de l’accident de Tchernobyl, le gouvernement japonais a lancé un vaste programme de surveillance sanitaire nommé « Fukushima Health Management Survey ». Il inclut la mise en place d’un dépistage systématique du cancer de la thyroïde par échographie pour les 300 000 jeunes qui résidaient dans la préfecture de Fukushima au moment de l’accident.

 

Depuis 2014, des bilans thyroïdiens de suivi sont réalisés tous les 2 ans chez les jeunes âgés de moins de 20 ans, puis tous les 5 ans au-delà de cet âge. Comparativement à Tchernobyl, les doses de rayonnements à la thyroïde chez les jeunes à Fukushima ont été plus faibles, de l’ordre de quelques mGy, avec une dose à la thyroïde maximale d’environ 60 mGy chez les enfants, soit 10 à 100 fois moins que les doses reçues après l’accident de Tchernobyl.

 

Le dépistage systématique mis en place dans la préfecture de Fukushima montre un taux élevé de nodules tumoraux de la thyroïde chez les enfants âgés de 18 ans ou moins au moment de l’accident. Les fréquences de nodules tumoraux sont de l’ordre de :

  • 39/100 000 dans la première campagne de dépistage (prévalence de 116 cas parmi 300 476 enfants) ;
  • 13/100 000 par an dans la deuxième campagne (incidence de 71 nouveaux cas en 2 ans parmi 270 497 enfants) ;
  • 7/100 000 par an dans la troisième campagne (incidence de 31 nouveaux cas en 2 ans parmi 217 921 enfants) ;
  • 6/100 000 par an dans la quatrième campagne (incidence de 21 nouveaux cas en 2 ans parmi 180 664 enfants). Pour cette campagne, le nombre de cas est non encore consolidé et susceptible d’augmenter.

 

Interprétation des résultats du dépistage thyroïdien dans la préfecture de Fukushima

 

Il faut faire la distinction entre la prévalence et l’incidence de nodules ou cancers de la thyroïde. La prévalence correspond à la fréquence de personnes atteintes d’une maladie à un moment donné, incluant à la fois les nouveaux cas et les anciens cas. L’incidence correspond à la fréquence de nouveaux cas d’une maladie sur une période donnée.

 

Dans le cadre du dépistage systématique dans la préfecture de Fukushima, la première campagne de dépistage d’octobre 2011 à mars 2014 fournit des données de prévalence : de ce fait, certains nodules identifiés pouvaient être déjà présents chez les individus avant l’accident en mars 2011. Par contre, les 2ème, 3ème et 4ème campagnes de dépistage (ainsi que toutes celles qui suivront) fournissent des données d’incidence : seuls les nouveaux cas survenus depuis la campagne de dépistage précédente sont identifiés. Les résultats des trois dernières campagnes ne peuvent donc pas être comparés directement à ceux de la première campagne. Dans le cas de maladies évoluant lentement, ce qui est le cas du cancer de la thyroïde, la prévalence est supérieure à l’incidence.

 

La plupart des cas identifiés par le dépistage systématique dans la préfecture de Fukushima sont des nodules tumoraux de petite taille, sans expression clinique, c’est-à-dire sans grosseur au cou détectable par palpation, et sans perturbation endocrinienne. Ces cas ne peuvent être comparés à ceux détectés par un registre de cancers qui enregistre essentiellement les cas cliniquement exprimés ou découverts fortuitement. La fréquence des nodules tumoraux détectés par une campagne de dépistage est donc naturellement très supérieure à celle des cancers fournie par un registre.

 

L’augmentation de la prévalence ou de l’incidence liée au caractère systématique d’un dépistage est appelé « facteur de dépistage ». Ainsi, la Corée du Sud a mis en place à partir de 1999 un dépistage du cancer de la thyroïde par échographie chez l’adulte : la comparaison des chiffres de 1993 à ceux de 2011 montre que le taux observé de cancer de la thyroïde a été multiplié par un facteur de 15 du fait de la mise en place de ce dépistage. D’autres travaux réalisés en Ukraine après l’accident de Tchernobyl ont montré qu’un dépistage systématique par échographie (mais se limitant à un diamètre de nodule de 10 mm, soit 2 fois plus large que celui de Fukushima) peut entraîner une augmentation de l’incidence observée du cancer de la thyroïde d’un facteur 7. Dans une étude russe, sur la période 1991-2013, il a été estimé que la mise en place du dépistage augmentait l’incidence du cancer thyroïdien d’un facteur 7 chez les personnes exposées dans l’enfance et de 1,5 chez celles exposées à l’âge adulte.

 

Afin de rendre la comparaison pertinente, les données issues du dépistage mis en place dans la préfecture de Fukushima doivent être comparées à celles obtenues dans une campagne de dépistage dans des zones non exposées, en utilisant le même protocole d’examen que dans la préfecture de Fukushima. Ainsi, au cours de la période 2011-2014, des campagnes de dépistage systématique du cancer de la thyroïde similaires à celle de Fukushima ont été mises en place chez des enfants âgés de 18 ans ou moins dans trois préfectures japonaises non touchées par l’accident (préfectures d’Aomori, Hiroshima et Yamanashi). Les données issues de ces campagnes montrent que la prévalence de nodules thyroïdiens de taille supérieure à 5 mm ou de kystes de plus de 20 mm détectés chez les jeunes par échographie dans ces préfectures était similaire à la prévalence observée dans la préfecture de Fukushima.

 

Les cancers de la thyroïde à Fukushima sont-ils dus aux retombées radioactives de l’accident ?

 

À ce stade, étant donné l’effet du dépistage et les différences entre prévalence et incidence, il est encore prématuré de se prononcer sur une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde consécutive à l’accident chez les enfants présents en 2011 dans la préfecture de Fukushima lors de l’accident nucléaire.

 

Les études publiées à ce jour ne montrent pas d'association entre la distribution des doses et la fréquence des cancers de la thyroïde dans la préfecture de Fukushima (Ohira et al. 2020). L’UNSCEAR considère que les futurs effets sanitaires radio-induits (incluant une éventuelle augmentation de la fréquence des cancers de la thyroïde) seront difficilement discernables à Fukushima, étant donné le faible niveau d’exposition aux rayonnements ionisants (UNSCEAR 2021).

 

À ce jour, plusieurs éléments indiquent que la fréquence élevée de nodules tumoraux thyroïdiens observés dans la préfecture de Fukushima est liée à l’effet du dépistage plutôt qu’à un effet des rayonnements (Bogdanova et al. Thyroid 2020) :

  • la distribution de l’âge des cas observés est proche de celle classiquement observée dans une population non exposée (alors que les cas observés après l’accident de Tchernobyl étaient beaucoup plus jeunes) ;
  • une étude parue dans la revue « Scientific Reports » en 2015 a analysé le profil oncogénique de 68 cas de cancer de la thyroïde identifiés et opérés dans le cadre du dépistage systématique de la préfecture de Fukushima : la fréquence des altérations génétiques observées est similaire à celle observée dans une population non exposée (et très différente de celle observée après l’accident de Tchernobyl) ;
  • la prévalence de nodules thyroïdiens observée dans la préfecture de Fukushima dans la première campagne de dépistage apparaît très proche de celle observée dans les préfectures d’Aomori, Hiroshima et Yamanashi non exposées aux rejets radioactifs de l’accident, dans lesquelles des campagnes de dépistage similaires ont été mises en place ;
  • plusieurs études de modélisation réalisées en se basant sur des données ukrainiennes, coréennes ou japonaises concluent que l’effet du dépistage est compatible avec la prévalence élevée de nodules thyroïdiens enregistrée dans la préfecture de Fukushima ;
  • les niveaux de doses estimés pour les enfants présents en 2011 dans la préfecture de Fukushima sont très faibles pour la plupart d’entre eux. Très peu d’enfants ont pu recevoir des doses à la thyroïde dépassant quelques dizaines de mGy du fait de l’inhalation d’iode radioactif. Actuellement, les doses dues à une contamination interne des enfants n’ont pas été reconstituées individuellement (seulement une répartition géographique des doses absorbées à la thyroïde par commune, estimée par l’UNSCEAR). Mais parmi les cas diagnostiqués pour lesquels la dose externe a été reconstituée, la dose estimée la plus élevée était de l’ordre de 2 mSv. Ces doses sont trop faibles, dans l’état des connaissances actuelles, pour expliquer une augmentation détectable de la fréquence des nodules thyroïdiens.

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En 2011, la prise en charge clinique d’un nodule tumoral de la thyroïde dans la préfecture de Fukushima consistait quasi systématiquement en l’ablation chirurgicale complète ou partielle de la thyroïde. Cependant, ces dernières années, considérant que la plupart des nodules (même tumoraux) sont indolents et peuvent rester sans évolution durant de nombreuses années, les recommandations cliniques ont évolué vers une surveillance échographique des nodules ne présentant pas de critère de gravité. Aujourd’hui, la position des médecins de l’Université de Médecine de Fukushima est d’aller vers un mode de dépistage et une prise en charge thérapeutique moins systématique. En particulier, ils conseillent de limiter la réalisation d’opérations chirurgicales lors du diagnostic, et de proposer de façon plus large un suivi individuel permettant de surveiller l’évolution des nodules détectés.

 

FOCUS : Recommandations sur le dépistage de la thyroïde après un accident nucléaire

Dans le cadre d’un projet européen sur l’amélioration de la surveillance sanitaire et médicale après un accident nucléaire auquel l’IRSN a participé, le Consortium SHAMISEN (Nuclear Emergency Situations - Improvement of Medical And Health Surveillance) recommande d’envisager un dépistage sanitaire systématique après un accident nucléaire uniquement s’il est dûment justifié, c’est-à-dire en s’assurant que le dépistage fera plus de bien que de mal.

En se basant sur l’expérience du dépistage dans la préfecture de Fukushima, le Consortium ne recommande pas le dépistage systématique du cancer de la thyroïde car les effets psychologiques et physiques négatifs l’emporteront probablement sur les bienfaits éventuels dans les populations touchées. Cependant, le Consortium recommande qu’une surveillance sanitaire de la thyroïde soit mise à la disposition des personnes qui en font la demande, qu’elles présentent un risque de cancer accru ou non, accompagnée d’informations et d’un soutien appropriés (Cléro et al. Environ Int 2021).

Par la suite, un travail spécifique sur l’intérêt du dépistage systématique du cancer de la thyroïde a été réalisé en 2018 par un groupe d’experts du Centre International de Recherche sur le Cancer (IARC, Thyroid monitoring after nuclear accident (TM-NUC)), dont l’IRSN faisait partie. En cohérence avec les conclusions du Consortium SHAMISEN, ce groupe d’experts ne recommande pas de dépistage systématique du cancer thyroïdien par examen ultrasonographique après un accident nucléaire, notamment du fait du risque de sur-diagnostic. Il recommande de privilégier une mise à disposition des moyens de dépistage pour des groupes d’individus à haut risque, associée à une information détaillée des risques liés au sur-diagnostic auprès des patients et des familles (Togawa et al. Lancet Oncol 2018).

 

​L’expérience nippone est riche d’enseignements. En 2011, la préfecture de Fukushima ne disposait pas d’un registre des cancers. Si cela avait été le cas, elle aurait pu utiliser ce suivi pour quantifier l’incidence des cancers avant et après l’accident, et ainsi repérer une éventuelle recrudescence des cancers de la thyroïde. La France s’est dotée d’un registre national du cancer chez les enfants à la fin des années 1990, mais les registres disponibles chez les adultes ne couvrent pas l’ensemble du territoire. Le projet SHAMISEN recommande la mise en place de registres du cancer, qui aident à estimer le risque sanitaire et à dialoguer avec la société civile en cas d’accident nucléaire.