Les enjeux du démantèlement des réacteurs à eau sous pression
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 fixe une limite pour la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire en France (63,2 GWe). La programmation pluriannuelle de l’énergie précisera les conditions d’atteinte de l’objectif de 50 % pour la part du nucléaire dans la production d’électricité. Cela conduira, dans les années à venir, à l’arrêt de réacteurs électronucléaires, notamment ceux du site de Fessenheim.
Dans ce contexte, et alors que s’ouvre le débat public concernant le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) 2019-2021, l’IRSN publie un rapport sur les enjeux, du point de vue de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la protection de l’environnement, du démantèlement des réacteurs de type « à eau sous pression » (REP), qui équipent le parc électronucléaire français.
Le démantèlement d’une installation nucléaire est une activité industrielle à part entière, s’appuyant sur des compétences, connaissances et organisations spécifiques. Le retour d’expérience acquis, tant en France qu’à l’international, montre que le démantèlement des réacteurs à eau sous pression est techniquement faisable, dans des délais maîtrisés, en utilisant des techniques connues et éprouvées. De par le monde, des démantèlements complets de ce type d’installation ont déjà été réalisés.
Pour un réacteur nucléaire, le démantèlement comprend quatre grandes étapes :
- l’évacuation des combustibles et des déchets encore présents, en utilisant généralement les moyens existants ;
- le démontage, la découpe et l’évacuation en tant que déchets des matériels (équipements du procédé et leurs périphériques), éventuellement après une décontamination. Ces opérations nécessitent la mise en place préalable de nouveaux équipements ;
- l’assainissement des locaux et la dépollution des sols si nécessaire ;
- la réhabilitation du site incluant le cas échéant la démolition des bâtiments de l’installation.
La connaissance de l’état de l’installation au moment de son arrêt est un élément structurant pour préparer son démantèlement. De même, l’état final visé est un élément essentiel. La collecte, la conservation et l’accès aux informations acquises lors de la conception, de la construction et du fonctionnement et leur enrichissement durant le démantèlement constituent un enjeu important. Plus généralement, la constitution et la valorisation du retour d’expérience des démantèlements sont à organiser particulièrement.
Si les premières opérations d’un démantèlement sont proches de celles réalisées lorsque le réacteur est en fonctionnement, elles s’en écartent notablement au fur et à mesure de l’avancement des travaux (découpes d’équipements spécifiques, assainissement de structure et de sols afin d’atteindre l’état final visé).
De manière concomitante, les risques évoluent : les risques de rejets de substances radioactives dans l’environnement diminuent, du fait de l’évacuation de celles-ci, et les risques d’origine non nucléaire s’accroissent (risques d’incendie, d’origine électrique, liés aux manutentions…). Enfin, les risques pour les opérateurs varient avec le type des travaux réalisés, certains pouvant nécessiter une intervention à proximité immédiate des équipements à démonter.
Ainsi, le démantèlement recouvre des opérations très variées se déroulant simultanément dans de nombreuses parties de l’installation. Ceci peut induire des risques spécifiques liés à la co-activité. De plus, ces opérations, hormis certaines de la première étape, s’étalent sur une longue période et sont réalisées avec une organisation et des équipes différentes de celles en place lors du fonctionnement de l’installation. Dans ce contexte, les facteurs organisationnels et humains constituent donc un enjeu à part entière.
Par ailleurs, en France comme à l’international, les exploitants d’installations nucléaires sous-traitent de nombreuses opérations auprès d’industriels spécialisés. Cette sous-traitance ne se distingue pas, sur le principe, de celle mise en œuvre lors du fonctionnement des réacteurs, mais s’accroît significativement. Ainsi, la disponibilité de moyens suffisants, en effectifs et en compétences, ainsi que d’une organisation et d’une gestion, notamment contractuelle, adaptées pour encadrer cette sous-traitance est un enjeu essentiel en termes de sûreté nucléaire et de radioprotection. Sur ce point, la standardisation des réacteurs d’EDF et la mutualisation des moyens nécessaires pour démanteler sont des éléments favorables.
Le démantèlement d’un réacteur s’appuie par ailleurs sur des installations supports et des moyens de transport (notamment pour la découpe de matériels, l’entreposage, le traitement et le conditionnement des déchets, le traitement des effluents…). Leurs capacités et disponibilités sont cruciales pour les opérations de démantèlement.
Le démantèlement d’une installation implique également la production de déchets solides et liquides, qui peuvent être différents de ceux produits lors de son fonctionnement et dont les quantités sont notablement plus importantes, le rejet d’effluents liquides et gazeux, et une exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. Les choix des procédés et des méthodes de démantèlement constituent, de ce point de vue, un point clé.