Une forte contamination radioactive du milieu marin, notamment par le 137Cs,
s’est produite dans le Pacifique nord-ouest suite à l’accident
nucléaire de Fukushima Dai-ichi survenu le 11 mars 2011. Deux sources
majeures étaient à l’origine de cette contamination, les retombées
atmosphériques (sèches et humides) et les rejets liquides directement en
mer. Cette radioactivité a été transférée aux organismes marins
conduisant à la contamination de plusieurs espèces pélagiques et
benthiques. Dans le cadre de l’étude des conséquences de cet accident
sur le milieu marin, une première modélisation de la dispersion du 137Cs
dans les eaux de la côte Pacifique du Japon a été réalisée par le
groupe SIROCCO, permettant ainsi d’estimer l’évolution spatio-temporelle
de la concentration de ce radionucléide dans l’eau et de déterminer son
terme source, c’est-à-dire sa quantité globale rejetée en mer sous
forme liquide. Ce travail de thèse s’inscrit dans la même démarche et
vise, par une approche de modélisation, à étudier le transfert du 137Cs
aux chaines trophiques pélagiques de la côte Est du Japon, composées par
les populations planctoniques, les poissons planctonivores, et les
poissons carnivores.
Le couplage d’un modèle radioécologique,
spécifiquement développé pour cette étude, à un modèle de l’écosystème
composé d’un modèle NPZD et d’un modèle de circulation régionale, s’est
imposé comme la méthode la plus adaptée à l’étude de la contamination
des populations planctoniques dans des conditions accidentelles. Les
résultats de cette étude ont montré des niveaux de contamination assez
élevés de ces populations notamment aux alentours de la centrale où les
concentrations estimées sont environ 4 ordres de grandeur supérieures à
celles observées avant l’accident. En dépit de ces concentrations
élevées, le débit maximal de la dose absorbée reste largement au-dessous
du débit de référence à partir duquel les effets sur les populations
sont ressentis. Cette étude a aussi mis en évidence la prédominance de
la voie trophique dans les processus d’accumulation du césium par ces
espèces, ainsi que la présence d’une légère biomagnification chez les
classes de taille de zooplancton.
Le modèle radioécologique
développé pour étudier la contamination des espèces nectoniques est
structuré en taille. Chaque espèce est composée d’un ensemble de
cohortes dont le nombre est fonction de la durée de vie de l’espèce et
de sa fréquence de reproduction. Contrairement aux modèles classiques,
le taux d’ingestion de la nourriture par l’organisme ainsi que son
régime alimentaire ne sont pas constants dans le temps mais généralement
variables en fonction de la taille de l’organisme. Dans cette approche
le processus de prédation est considéré comme étant totalement
opportuniste. Les résultats sont généralement satisfaisants et le modèle
a été validé dans les conditions d’équilibre pré-accidentelles ainsi
que dans les conditions post-accidentelles. L’importance de la prise en
compte des mouvements migratoires de certaines espèces dans ce type de
modèle a été mise en évidence notamment dans les conditions
accidentelles caractérisées par une forte variabilité spatiale de la
concentration du radionucléide dans la colonne d’eau. Les niveaux de
contamination estimés pour les différentes espèces sont largement
supérieurs à ceux observés avant l’accident, avec une tendance à
l’augmentation lorsque la taille de l’individu augmente.