Cette recherche s’inscrit
dans le domaine de la gestion des risques et de la sécurité des
patients, et vise à développer une méthode d’analyse des risques pour
faire face aux difficultés méthodologiques rencontrées par les centres
de radiothérapie pour mener une Analyse des Modes de Défaillances, de
leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC).
Cette thèse est une
contribution empirique et théorique sur la « sécurité en réflexion »
dans des espaces de discussion (régulation froide) que l’on distingue
ici de la « sécurité en action » (régulation chaude).
Ce travail
cherche à déterminer de nouveaux liens entre la sécurité et la gestion
des risques – relation éminemment connectée mais également chargée
d’ambiguïtés – en donnant une place prépondérante à une étape
méthodologique souvent délaissée, l’identification des risques. La
sécurité des soins dépendant principalement des pratiques quotidiennes
exercées par le personnel soignant, il s’agira pour les analystes de
faire le lien entre un risque générique facilement identifiable – par
exemple, la surexposition des patients à des rayonnements ionisants – et
son développement dans le travail réel de l’équipe soignante. Cette
recherche propose de travailler ce lien collectivement dans des «
espaces de discussion » mobilisés classiquement par les sciences de
gestion en articulant les conditions de travail de l’équipe soignante et
les risques encourus par les patients.
La thèse défendue dans ce
travail est la suivante : la sécurité des patients dépend de la
production de nouvelles connaissances 1) sur la complexité du travail de
l’équipe soignante, 2) sur les modes de réussite mobilisés par les
soignants pour faire face aux complexités du travail et 3) sur les
fragilités intrinsèques des modes de réussite et leurs processus de
fragilisation induits par les situations de travail. Autrement dit, la
finalité de cette analyse des risques est un recueil de données
organisées sur ce qui se passe dans le travail et sur ce qui l’affecte.
Ce
recueil vise à mettre en visibilité des dimensions plus difficilement
accessibles sur la complexité du travail collectif transverse et sur les
propriétés structurelles (politique, stratégique) et opérationnelle
(contexte, management, interaction) de l’organisation.
L’objectif
recherché de la méthode développée dans ce travail (EPECT) est
d’améliorer les connaissances individuelle et collective d’une équipe
sur le développement de situations risquées pour les patients et de les
partager pour maximiser la sécurité réelle. La consolidation de l’étape
d’identification des risques par une caractérisation et un partage de
situations risquées dans le travail devrait améliorer le travail
d’équipe et faciliter la maitrise des situations risquées.
L’ergonomie
a été mobilisée pour évaluer la méthode AMDEC et pour élaborer
progressivement ces nouveaux principes méthodologiques plus adaptés à
l’analyse des risques dans le domaine médical. Malgré l’atteinte des
objectifs fixés dans la recherche, la méthode EPECT présente des limites
en termes d’évaluation des risques et de traçabilité des données en
réunion. Des propositions non expérimentées dans ce travail encouragent
des travaux complémentaires sur des questions plus générales : comment
évaluer des situations risquées ? Comment outiller la traçabilité
d’échanges menés en temps réel sans contraindre les réflexions
collectives ?
Enfin, au niveau théorique, ce travail a été l’occasion
de proposer une évolution du concept de sécurité réglée et de sécurité
gérée.