Contexte
Dans un contexte
d’augmentation significative de l’exposition aux rayonnements ionisants
(RI) en imagerie médicale, un nombre croissant de travaux sur les
risques radioinduits en médecine ont été publiés (Mathews, 2013 ; Colin,
et al, 2017). Pourtant, cette question ne fait pas consensus (IRSN,
2012). En effet, les différences de perception des risques de cancer
radio-induits associés aux faibles doses de RI, entrainent des pratiques
hétérogènes chez les radiologues, notamment au sujet des femmes de
moins de 50 ans qui réalisent des mammographie de dépistage.
Ce
travail de thèse en psychologie sociale de la santé vise à investiguer
les enjeux de santé publique liée à l’exposition aux RI en mammographie
de dépistage, sur la base d’un regard psychosocial intégrant les
interactions entre les individus, le contexte social et l’objet étudié
(Apostolidis, Dany, 2012). Il s’agit de comprendre ce qui guide les
pratiques à la fois des radiologues et des femmes effectuant ou non le
dépistage, dans les spécificités du contexte français. La théorie des
représentations sociales (Moscovici, 1961) constitue en ce sens un
ancrage solide pour appréhender la sociogenèse des connaissances, face à
l’objet méconnu et abstrait que sont les risques radio-induits
(Apostolidis, et al, 2002 ; Jodelet, 1989).
Problématique
Fondée
sur l’articulation entre enjeux de terrain et perspectives théoriques,
cette thèse vise à investiguer les représentations sociales de la
mammographie, notamment son caractère irradiant, ainsi que la perception
des risques qui lui sont associés et cela dans le cas spécifique des
femmes de moins de 50 ans.
Méthodes
Pour étudier cette question, quatre études ont été mises en place :
- Étude
d’un corpus de 236 documents institutionnels visant à appréhender dans
le contexte national, le point de vue des institutions de santé
publiques au sujet du dépistage du cancer du sein en France.
- Étude
d’un corpus de 430 articles issus de la presse grand public visant à
recueillir les éléments de langage transmis dans le sens commun à propos
de la mammographie de dépistage.
- Étude auprès
de 1300 femmes représentatives de la population française visant à
investiguer les représentations de la mammographie de dépistage.
- Étude
auprès de 292 radiologues afin d’interroger leurs représentations et
leurs perceptions des risques associés à la mammographie de dépistage.
Résultats principaux
Les
résultats des différentes études permettent de mettre en évidence le
fait que les radiologues et les femmes ont majoritairement tendance à
faire des mammographies avant 50 ans, incité par le poids des normes
sociales de santé, bien que les recommandations nationales invitent à la
prudence. L’analyse des données a également permis d’appréhender le
réseau des représentations sociales dans lequel s’inscrivent les risques
associés à la mammographie de dépistage. Au sein de ce réseau, les
risques radioinduits semblent appartenir à une zone muette (Chokier,
Moliner, 2006). Ce résultat questionne l’information faite aux femmes
dans un contexte de décision médicale (Gesbert, Mamzer, 2016 ; Rakowski,
1993).
Conclusion
Le
dépistage individuel du cancer du sein semble s’inscrire dans un
contexte global partisan du dépistage précoce, pour aider à circonscrire
au mieux le cancer. Néanmoins, la prévention du cancer semble se faire
au détriment d’une information exhaustive pour les femmes en ce qui
concerne les rayonnements ionisants utilisés en mammographie. Ce travail
invite alors à se questionner sur les modèles de prise de décision en
santé et il ouvre des perspectives de recherche autour des questions de
dépistage auprès des médecins généralistes et gynécologues,
prescripteurs de la mammographie chez les femmes de moins de 50 ans.