Editorial

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26/01/2010
Jean-Luc Pasquier

Si la vocation première de la recherche, finalisée, de l’IRSN est de conforter le niveau des expertises pratiquées par l’Institut sur les installations radiologiques ou nucléaires, elle est aussi de contribuer à révéler des « lois » ou des « règles » de sécurité ou de prévention, à propos des situations rencontrées dans toutes les applications nucléaires et radiologiques.

Et dans ce contexte, tout se passe comme si ces situations ne pouvaient être totalement décrites à partir des seules propriétés des phénomènes élémentaires qui en sont pourtant à l’origine, ni réduites à leur seule simple combinaison.

Cette caractéristique de la recherche à l’IRSN se retrouve aussi bien dans les travaux ayant trait à la sûreté des réacteurs en fonctionnement ou à leur vieillissement que dans ceux dont l’objet est de mieux comprendre la dynamique des épisodes accidentels, l’évaluation de la dispersion de polluants dans l’environnement.

Ceci est vrai aussi pour tous les travaux visant à mettre en évidence d’éventuels effets des faibles doses de rayonnement sur les organismes vivants. Cette dialectique constante entre la nécessité d’appréhender analytiquement les composantes élémentaires des situations étudiées, et d’en rendre compte globalement nécessite non seulement de faire appel à de nombreuses compétences sur un éventail très large de disciplines qualifiées parfois de fondamentales, mais surtout de savoir les surpasser.

Par nature donc, parce que la mission de l’Institut est de s’atteler à la question complexe et multidimensionnelle de la sécurité nucléaire, la démarche de l’IRSN en matière de recherche s’apparente – toutes proportions gardées – à l’idée développée depuis quelques années par le prix Nobel de physique américain, Robert Laughlin, sur l’émergence des lois de la nature, et selon laquelle chaque niveau d’organisation possèderait ses propres lois et règles sans qu’il y ait lieu de qualifier les unes de plus fondamentales que les autres.

Comparaison n’est pas raison et l’IRSN ne prétend pas que sa recherche permet de conforter l’abandon du vieux paradigme réductionniste de la compréhension du monde. Lequel constitue le socle épistémologique de toutes les avancées scientifiques depuis plusieurs siècles.

Mais, à bien des égards, les recherches conduites à l’IRSN mettent en lumière certaines de ces « lois émergentes » appliquées au domaine spécifique de la gestion du risque nucléaire et radiologique.

Un autre enjeu

Cependant, si ces règles de sûreté ou de radioprotection n’apparaissent pas toujours immédiatement dérivables de celles de la physique, de la mécanique, de la chimie ou de la biologie, elles ne sauraient non plus s’en affranchir. Elles ne sauraient d’ailleurs être mises en évidence sans qu’en amont de leur énoncé, l’ensemble des phénomènes élémentaires concourant au diagnostic d’ensemble de la sûreté et de la radioprotection ou à la réduction des incertitudes associées, n’aient été eux-mêmes élucidés, alors qu’on ne sait pas toujours si les paramètres étudiés sont liés ou indépendants.

Cette relative et apparente autonomie des règles fondamentales de sûreté et de la radioprotection par rapport aux disciplines de base n’est peut-être en fait que l’expression de l’imperfection actuelle des outils de calcul.

En tout état de cause, l'un des enjeux de l’IRSN en matière de recherche est d’être capable de comprendre l’influence de facteurs élémentaires sur l’enchainement d’événements qui peuvent conduire à un accident nucléaire, d’en apprécier les parts respectives et enfin de se doter des moyens d’en calculer l’occurrence.

Un autre enjeu est de faire en sorte, si l’irrémédiable se produit, d’en limiter les conséquences sur les populations et plus généralement sur l’environnement. Certains de ces facteurs parfois insuffisamment pris en compte lors de la conception des installations, ne se révèlent qu’au travers d’un retour d’expérience d’exploitation systématiquement analysé et interprété. C’est à ce stade que réside une autre des caractéristiques importantes de la recherche à l’IRSN, celle de s’alimenter pour partie des résultats de l’expertise et des carences de connaissances qu’elle révèle.

Le dernier moteur de la recherche – et non des moindres – résulte de l’exigence de sécurité toujours croissante de la société et du souci d’inscrire les activités nucléaires dans une logique de développement durable : plusieurs des travaux de recherche rapportés ici s’efforcent de répondre à cette préoccupation.

Cet effort de recherche qui ne doit pas se démentir ne saurait être soutenu sans une forte exigence de qualité : c’est l’objet de la politique d’excellence scientifique et technique développée depuis 2004 dont un premier bilan a été dressé en 2006. Cet état des lieux a permis de mesurer le chemin parcouru et de vérifier que cet objectif d’excellence était partagé par les chercheurs. Il a également conduit à renforcer la portée de cette politique en intensifiant l’évaluation des travaux de l’Institut par ses pairs de la communauté scientifique, en encourageant la confrontation des chercheurs avec leurs collègues des autres grands organismes scientifiques ou des universités et, surtout, en valorisant l’esprit créatif par la reconnaissance de recherches effectuées à titre exploratoire sur des thèmes non encore explicitement explorés.

L’objectif d’excellence scientifique est le meilleur garant de la pertinence et de la qualité de la recherche à l’IRSN. Il permet également de surmonter les obstacles épistémologiques identifiés en son temps par Gaston Bachelard comme « la tentation de l’empirisme » ou celle de la généralisation abusive. A ceux qui consulteront ce site d’en juger.