Comprendre la réponse adaptative des Daphnia Pulex de la zone d'exclusion de Tchernobyl

Laboratoire d'accueil : Laboratoire de recherche sur les effets des radionucléides sur les écosystèmes (LECO)

Date de début : octobre 2021

Nom du doctorant : Pierre TECHERI

Descriptif du sujet

La compréhension des effets à long terme de faibles doses de rayonnements ionisants sur les écosystèmes et les espèces qui les composent reste un enjeu majeur en écotoxicologie des radionucléides. Dans ce contexte, un défi de la recherche est de caractériser l'état des populations sauvages vivant dans la zone d'exclusion de Tchernobyl (CEZ). La biologie évolutive établit que la réponse d'une population exposée à un contaminant (radiologique ou chimique) est de nature adaptative et s'opère par la sélection naturelle des individus les plus aptes à faire face au stress toxique. Cette capacité définie comme la valeur sélective (fitness) peut être évaluée en suivant la survie et la reproduction, deux traits d'histoire de vie critiques pour la dynamique de population.

Récemment, Goodman et al. (2019, 2022) ont étudié les populations de Daphnia pulex, une espèce de crustacé planctonique clé de voute des écosystèmes lentiques, issues de différents étangs de la CEZ. Les auteurs montrent que les populations exposées à des débits de dose allant de 0,01 μGy/h à 200 μGy/h ne présentent pas de différence significative en termes d'histoire de vie et de valeur sélective (définie par le nombre moyen de descendants par cycle de vie). L'analyse de la structure génétique des populations montre une diversité corrélée positivement au débit de dose, ainsi qu'une faible dérive génétique, ce qui réfuterait la possibilité d'un effondrement démographique récent. Ces observations suggèrent que les populations se seraient adaptées aux rayonnements ionisants au fil des décennies d'exposition depuis l'accident.

Ce projet de thèse vise à vérifier si les populations de D. pulex de la CEZ ont acquis une résistance accrue aux rayonnements ionisants. Pour ce faire, des individus issus des différents lacs seront irradiés pendant plusieurs générations sur une gamme de débits de dose variant de 6,5 μGy/h à 35 mGy/h. Des mesures quotidiennes de la croissance, survie, et reproduction seront effectuées. Des observations en microscopie électronique testeront l'apparition d'altérations mitochondriales, afin de confirmer une éventuelle atteinte du métabolisme énergétique. Ces données seront analysées à l'aide d'un modèle toxico-cinétique toxico-dynamique (TKTD), basé sur la théorie du Budget Energétique Dynamique (DEB). Ce travail permettra de préciser la nature de la réponse adaptative développée par les individus de la CEZ. Une première expérience a été effectuée dont les données sont en cours de traitement. Les premiers résultats soulignent la difficulté à trouver des conditions expérimentales assurant une bonne réplicabilité des réponses observées chez l'espèce.