Le projet AMORAD
Dernière mise à jour en mai 2022
Amélioration des modèles de prévision de la dispersion et d’évaluation de l’impact des radionucléides au sein de l’environnement (projet ANR-11-RSNR-0002)
Le projet AMORAD a vocation à répondre à la question centrale "Comment évaluer précisément les conséquences d’un rejet de substances radioactives sur l’homme et sur l’environnement ?". Il vise à optimiser les modèles qui permettent de prédire la dispersion des radionucléides dans l’environnement et d’évaluer leur impact sur deux compartiments de la biosphère : le milieu marin et les écosystèmes terrestres (dont les eaux de surface). Une attention spécifique a aussi été portée à l’interface océan-continent.
Contexte du projet
L’évaluation des conséquences radiologiques et dosimétriques de cet accident a reposé sur deux approches complémentaires : la réalisation de mesures de radioactivité dans l’environnement et sur les personnes, et le recours au calcul et à la modélisation pour estimer des paramètres non accessibles par les mesures.
Bien qu’apportant déjà quantité d’informations, les modèles utilisables en 2011 et développés à la suite de l’accident de Tchernobyl présentaient des imperfections et devaient être améliorés. Il était nécessaire par exemple d’améliorer la résolution spatio-temporelle pour déterminer les concentrations en substances radioactives dans chaque compartiment des écosystèmes exposés : faune, flore, eau, sédiments et sols. Il convenait aussi d’améliorer le traitement, par ces modèles, des flux de substances entre ces compartiments, et notamment à certaines interfaces (sol-plante ou océan-continent).
Le projet AMORAD vise à ouvrir certains de ces verrous en combinant données de terrain, expériences en laboratoires et développement de modèles numériques.
Déroulement du projet et axes de recherches
L’axe Marin
Étude des transferts de radionucléides dans les sédiments et les chaînes trophiques ainsi que de la vulnérabilité des littoraux à une situation accidentelle.
Quatre "zones-ateliers" ont été étudiées :
- au Japon, la zone soumise aux rejets accidentels de la centrale Fukushima Daiichi,
- la Manche au niveau des centrales côtières et de l’usine de retraitements du combustible usé de la Hague,
- le Golfe de Gascogne et le Golfe du Lion qui reçoivent des apports de fleuves sur lesquels sont implantées des installations nucléaires.
Le transfert à l’interface continent-océan et le transport des particules à différentes échelles de temps et d’espace ont été étudiés sur ces zones au fonctionnement contrasté, ce qui a permis d’investiguer plusieurs processus.
- En Manche, un modèle a été paramétré pour simuler le transport de sédiments de toutes tailles. Il permet notamment de définir le devenir des sédiments fins piégés dans une matrice de galets. Ce type de dépôt sédimentaire hétérogène, qui peut s'observer dans des zones côtières à fort courant, n'était pas pris en compte par les modélisations antérieures.
- Le comportement des radionucléides dans un estuaire macrotidal (présentant de fortes amplitudes de marées) a été étudié dans le système Garonne-Gironde, sur les rives duquel se trouvent les centrales du Blayais et de Golfech. L'objectif était de pouvoir associer dans les modèles des lois de comportement physico-chimiques de radionucléides avec celles du transport de particules sédimentaires, mais ce couplage très complexe reste à finaliser. Si le comportement chimique qui contrôle la fixation des radionucléides sur les particules reste un paramètre majeur pour expliquer leur export vers la mer ouverte ou leur rétention dans l'estuaire, il apparait maintenant que le débit du fleuve doit aussi être pris en compte. Le déplacement du bouchon vaseux dans ce système est en effet un point critique pour la dispersion d'éventuels rejets accidentels de ces installations.
- Le rôle de la faune benthique (vivant dans et sur le sédiment) et des tempêtes sur le dépôt et le remaniement sédimentaire a été étudié sur le delta du Rhône, une interface océan-continent à faible marée. Les études ont permis de caractériser les matières en suspensions dans le panache du fleuve en mer, dont la sorption et la vitesse de chute, et la modélisation prend désormais en compte ces paramètres pour une meilleure prévision du devenir de ces particules. Les mesures de Cs-137 et Pu dans les sédiments à l'embouchure du Rhône ont permis de caractériser la variabilité de l'accumulation. Si le dépôt préférentiel dans cette zone se fait surtout à court terme durant les crues, le devenir à long terme est contrôlé par des processus de remobilisation sédimentaire sous l'action des courants (tempêtes) et des organismes benthiques qui mélangent le sédiment. Ces processus restent très difficiles à prédire dans le temps.
- L'étude de séries temporelles « historiques » de la concentration en radionucléides chez divers organismes marins prélevés en Manche (algues, mollusques, crustacés, poissons) a permis de déterminer leurs demi-vie biologiques (le temps nécessaire à l'élimination de la moitié de l'activité dans ces organismes). C'est un paramètre fondamental à prendre en compte dans les modèles dits « biocinétiques » qui offrent une méthode d'évaluation rapide de l'évolution temporelle de la radioactivité pour la gestion d'un accident.
- Des cartes d'indicateurs de risque de contamination ont été établies pour différentes populations de thons, au large du Japon, à partir de modèles hydrodynamiques fournissant les concentrations de radiocésium dans l'eau et de modèles de transfert du radiocésium aux proies des thons (zooplancton, crustacés, petits poissons). Ces cartes sont évolutives dans le temps.
- Un modèle prenant en compte l'ensemble du réseau trophique a été mis au point pour la zone de Fukushima. Il permet d'appréhender dans le temps et l'espace l'évolution d'une concentration en un radionucléide spécifique pour une espèce donnée, et ce en fonction de la zone de pêche. Il prend en compte 56 groupes biologiques, depuis le phytoplancton jusqu'aux thons. Ce modèle est en cours de validation et sera adapté au Golfe du Lion.
Deux méthodes d’aide à la décision ont été développées pour disposer à terme d’outils en situation opérationnelle de gestion de crise. La première se base sur la spatialisation et l'évaluation de différents facteurs de risques (économiques et écologiques) et permet d'agréger ces données pour créer une carte d'impact d'une contamination accidentelle. Un deuxième outil, équivalent à un système expert, permet d’aider au diagnostic et au pronostic de situations post-accidentelles. Il utilise des bases de données de courantométrie pour créer des scénarios types de redistribution des radionucléides en phase dissoute.
L’axe Continental
Étude des transferts de radionucléides dans les milieux continentaux.
Cet axe vise à mieux comprendre et quantifier les processus de transfert de radionucléides dans les écosystèmes forestiers et dans le continuum bassins versants-cours d’eau à différentes échelles de temps.
- Les flux d'érosion-ruissellement depuis les bassins versants vers les cours d'eau puis le milieu marin ont été étudiés sur la zone de Fukushima. Ceci a permis d'analyser l'impact des processus d'érosion et des crues sur la redistribution des particules. Les zones d'études étaient les bassins versants au nord-ouest de la centrale de Fukushima qui drainent la partie principale affectée par les retombées du panache radioactif.
- Une méthode permettant de quantifier l'exportation de radionucléides des bassins versants vers la mer a pu être mise au point. En particulier, le modèle Watersed (BRGM) a été amélioré afin de reproduire l'érosion des sols et prédire le transfert des sédiments contaminés dans les bassins versants, tout en tenant compte des différents types d'occupations des sols et des forçages hydroclimatiques.
- Le cycle biogéochimique des radionucléides dans les systèmes forestiers a été caractérisé, ce qui a permis de modéliser l'évolution du césium dans les différents compartiments. De très nombreuses données ont été recueillies dans un rayon de 80 km autour de la centrale de Fukushima ainsi qu'à proximité de Tchernobyl et sur différents sites forestiers français. A Fukushima, l'activité en Cs-137 diminue rapidement dans les arbres mais augmente dans les couches organiques et minérales du sol (transfert par chute des feuilles, flux liquides). Elle devrait atteindre un état d'équilibre probablement dans les prochaines années. Le modèle prédictif « TREE4 » de l'évolution des stocks et des concentrations en césium-137 dans les différents compartiments du système sol-arbre est désormais opérationnel.
Extension AMORAD II
AMORAD-II avait pour objectif principal de développer des modèles d’évaluation de l’impact environnemental d’un accident nucléaire en intégrant de nouvelles ressources non prises en compte jusqu’ici.
Dates : 2013-2022
Budget : 22 millions d'euros dont 5,4 millions apportés par l'ANR
Partenaires : Andra, BRGM, CNRS, Ifremer, LSCE, Universités françaises de Bordeaux, Pau, Toulon, Toulouse et Versailles, Université japonaise de Tsukuba, CLS (filiale de l’Ifremer), EDF
Laboratoire d'étude et d'expertise sur la radioactivité de l'environnement (LEREN)
Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville (LRC)
Laboratoire de recherche sur les transferts de radionucléides dans les écosystèmes aquatiques (LRTA)
Laboratoire de recherche sur les transferts de radionucléides dans les écosystèmes terrestres (LR2T)
Laboratoire incertitude et modélisation des accidents de refroidissement (Limar)