Le projet PRIODAC
Dernière mise à jour en juin 2020
Le projet de recherche PRIODAC (Prophylaxie répétée par l’iode stable en situation accidentelle), coordonné par l’IRSN, vise à déterminer les modalités d’administration répétée d’iode stable. L’objectif est de s’assurer de l’efficacité et de l’innocuité de cette nouvelle posologie pour les différentes catégories d’âge de la population (nourrissons, enfants, adulte, femmes enceintes et personnes âgées). PRIODAC est un projet soutenu financièrement par l’Agence nationale de recherche (ANR) dans le cadre du programme Investissements d’avenir « nucléaire de demain » RSNR 2012, lancé en 2014 pour une durée initiale de 5 ans, et prolongé jusqu’en 2022.
En cas d’accident survenant sur le cœur du réacteur d’une centrale nucléaire, des substances radioactives pourraient être rejetées dans l’environnement sous forme de gaz et d’aérosols, notamment du césium 134, du césium 137, de l’iode 131 et d’autres isotopes à vie courte de l’iode. Ces particules et aérosols pourraient être inhalés ou ingérés par les populations exposées au panache. Les autorités disposent de plusieurs contremesures afin de limiter ce risque : l’évacuation, le confinement, les restrictions alimentaires et la prophylaxie par l’iode stable.
Les iodes radioactifs peuvent s’accumuler rapidement dans la glande thyroïde, pouvant entrainer à terme une augmentation du risque de cancer chez les personnes les plus sensibles, notamment les nourrissons et les enfants. Cette relation exposition/effet a été établie après 1991 dans les territoires les plus contaminés par les retombées de l’accident de Tchernobyl en Biélorussie, Russie et Ukraine. En France, la « doctrine iode » préconise une prise unique – éventuellement renouvelable une fois en cas d’impossibilité d’évacuation des populations – de comprimés d’iodure de potassium (KI) qui, pour être efficace doit être mise en œuvre au mieux deux heures avant l’exposition et jusqu’à six heures après. Jusqu’à présent l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des comprimés d’iode n’envisageait pas la situation de prises répétées d’iode au-delà de 2 prises.
Après l’accident de Fukushima, il est apparu nécessaire d’envisager la possibilité d’une prise répétée d’iode stable pour les personnes se trouvant dans une zone de rejets accidentels radioactifs prolongés ou répétés, dans l’attente d’une évacuation ou dans le cas d’une impossibilité à les évacuer. D’où la mise en place du programme PRIODAC.
Les orientations de ce dernier ont été confortées par les besoins de recherches identifiés par l’OMS (Organisation mondiale pour la santé) dans son document de recommandation émis en 2017(1).
Axe de recherche et résultats acquis
- capitaliser des connaissances scientifiques sur le mécanisme Wolff-Chaikoff (diminution de la production d’hormones thyroïdiennes suite à un afflux d’iode très important) et le rôle de certains de ces acteurs moléculaires (Na+/I- Symporter ou NIS et SLC5A8, un transporteur d’iode de la membrane apicale des thyrocytes). Nos études ont permis de s’assurer que l’effet Wolff-Chaikoff (3),(4), (5), (6), (12) et son mécanisme d’échappement existait après une saturation prolongée de la thyroïde.
- déterminer les modalités d’administration répétée d’iode stable chez quatre groupes d’âges représentatifs de la population (adulte dont la femme enceinte, fœtus, post-natal et la personne âgée). Des études bio-cinétiques(7), (8) ont permis de définir une dose optimale efficace pour une l’administration quotidienne de KI sur une durée de 8 jours grâce à la mise en œuvre de nombreuses expérimentations chez le rat et la souris ;
- s’assurer de l’absence d’effets secondaires significatifs chez un modèle de rat Wistar pour le schéma posologique retenu(9), (11). Des rats Wistar de différentes catégories d’âge ont été étudiés afin de simuler la réponse des différentes catégories de la population (adulte, âgé, femme enceinte, nouveau-né, enfant). Les effets secondaires ont été explorés sur différents organes, la thyroïde mais également le système cardiovasculaire, le système nerveux central, le système immunitaire et le système rénal. Cependant, nos études menées sur un modèle expérimental « in utero » de rate Wistar gestante (mimant la femme enceinte) mettent en évidence des effets secondaires significatifs chez la descendance et en particulier des effets sur le système nerveux central(10), (13), (14). Ainsi, contrairement aux individus adultes, les conditions d’une prophylaxie répétée optimale sans toxicité pour cette catégorie de la population reste à définir ;
- mener avec la pharmacie centrale des armées des études de toxicologie(1) règlementaire en condition BPL (Bonnes pratiques de laboratoire) sur deux espèces animales adultes, rat et chien ;
- obtenir auprès de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) une variation de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ainsi, la nouvelle posologie proposée pour l’adulte et l’enfant de plus de 12 ans est une prise de 130 mg d’iodure de potassium par jour pouvant être répétée jusqu’à 7 jours.
Dates : mars 2014-février 2022
Pilote : IRSN
Partenaires : CEA, Université de Nice Sophia-Antipolis, Université d'Aix-Marseille, Pharmacie Centrale des Armées
Thèses dirigées par l'IRSN
Toxicologie de l’iode stable : étude in vivo des effets biologiques associés à une prophylaxie répétée à l’iodure de potassium par Dalila lebsir
Thèse dirigée par le CEA
Étude omique de la régulation de la thyroïde par l’iode et du rôle de SLC5A8 dans la thyroïde par Maha Hichri