Savoir et comprendre

Les conclusions de l’IRSN

21/05/2012

Cet accident sanitaire concerne près de 5000 patients. Environ 300 auraient reçu une dose supérieure de 7% à celle qui aurait dû leur être délivrée.

Chez les autres patients, le surdosage n’excéderait pas 5,5%, une valeur de l’ordre de grandeur des incertitudes inhérentes aux pratiques standards de la radiothérapie, et qui ne devrait pas engendrer un excès significatif du nombre des complications secondaires qui peuvent survenir à la suite d’un traitement de radiothérapie.

 

Conclusions de l'IRSN  

L’expertise conduite par l’IRSN conduit aux principales conclusions suivantes :

  • Parmi toutes les activités de radiothérapie conduites au CH Jean Monnet pendant la période considérée (2001 à 2006), seule la radiothérapie conformationnelle appliquée au traitement du cancer de la prostate a connu des dysfonctionnements systématiques générant des risques additionnels pour les patients. Ceci concerne 397 patients. Des carences dans le suivi des patients pendant et après le traitement sont vraisemblables.
  • Les doses prescrites pour les traitements étaient conformes aux pratiques usuelles. Toutefois, un protocole clinique d’escalade de doses, allant jusqu’à 78 grays a été mis en oeuvre pour un groupe de patients en 2004 et 2005 sans que toutes les précautions accompagnant normalement un protocole de ce type soient réunies. En outre, l’analyse des histogrammes dose-volume montre que dans 16 % des cas, les critères de limite d’exposition du rectum définis au CH Jean Monnet ont été dépassés.
  • Les très grande majorité des patients concernés ont reçu une dose en excès d’environ 6 grays par rapport à la dose prescrite. Ceci s’explique par la non prise en compte dans la dosimétrie planifiée des doses résultant des procédures particulièrement nombreuses de contrôle effectuées avec le dispositif d’imagerie de l’appareil de radiothérapie. Il en est résulté un facteur de risque supplémentaire, compte tenu de la présence d’organes radiosensibles à proximité immédiate de la tumeur traitée.
  • L’enquête téléphonique, qui a reçu un accueil exceptionnel de la part des patients, laisse penser qu’il existe dans la population de patients concernée un taux de lésions radioinduites supérieur à ce que l’on peut attendre en moyenne pour cette technique de traitement. Ceci reste cependant à confirmer par une consultation médicale et des examens exploratoires appropriés.
  • L’expertise a également permis d’identifier un 24ème patient dans la cohorte des victimes de l’accident de sur-irradiation intervenu entre mai 2004 et août 2005. Le contrôle systématique des dossiers de traitement permet en outre d’affirmer que l’effectif de cette cohorte est bien limité à 24.

 

Recommandations de l’IRSN

Pour les patients ayant subi une surirradiation à l’occasion du traitement d’un cancer de la prostate en radiothérapie conformationnelle au CH Jean Monnet :

L’IRSN adressera à chaque patient, par l’intermédiaire du CH Jean Monnet, une note expliquant le travail d’expertise mené par l’Institut. Cette note complètera l’information qui sera donnée par ailleurs par le CH Jean Monnet.

Chaque patient devrait être convoqué pour une consultation et un examen clinique, puis recevoir un suivi médical approprié si nécessaire. Ceci permettra également de qualifier correctement les rectites radio-induites apparues chez certains patients.

Une reconstitution personnalisée et complète de la dosimétrie effective de chaque traitement devrait être réalisée.

Un suivi à long terme au plan scientifique de la cohorte des patients devrait être entrepris avec la participation de l’IRSN.

Recommandations d’ordre général en matière de pratiques de radiothérapie :

L’IRSN recommande que les professionnels de la radiothérapie, leurs sociétés savantes ainsi que les agences de sécurité sanitaire initient des démarches de consensus pour renforcer les bonnes pratiques lorsque nécessaire, par exemple :

  • La fréquence des contrôles par imagerie portale devrait être optimisée ;
  • La dosimétrie du traitement devrait faire l’objet de plusieurs contrôles (logiciels
    indépendants, dosimétrie in vivo) ;
  • Seuls des logiciels validés et verrouillés devraient être utilisés pour la mise en oeuvre de protocoles de traitement ;
  • Les aspects liés à la formation des personnels, et à l’incidence du « facteur humain » dans les risques d’erreur devraient être pris en compte dans les services de radiothérapie, et être systématiquement audités ;
  • Les techniques innovantes, et les protocoles d’essais cliniques présentant des risques accrus devraient être réservés aux établissements disposant des ressources nécessaires à la conduite en toute sécurité de ces activités ;
  • Les services de physique médicale devraient être indépendants des services cliniques ;
  • Les pratiques de suivi médical des patients pendant et après les traitements devraient être mieux codifiées ;
  • Des conférences de consensus entre spécialistes devraient être organisées pour préciser les protocoles de référence de traitement du cancer de la prostate ;
  • Une démarche de radio-vigilance au plan national devrait être mise en place, pour permettre une meilleure connaissance des effets à moyen et long terme des traitements proposés, et de leurs éventuelles conséquences indésirables.