Savoir et comprendre

Optimiser les techniques de radiothérapie

10/04/2019

​Les traitements de radiothérapie peuvent entraîner dans certaines situations, des problèmes cardiovasculaires, troubles digestifs, douleurs ou encore des maladies secondaires…  Rendre chaque technique de radiothérapie plus efficace contre les tumeurs avec de moindres dommages collatéraux sur les tissus sains mobilisent chercheurs et professionnels de santé.


« Avec les nouvelles techniques de guidage par imagerie et modulation d’intensité, nous ciblons davantage les tumeurs et nous irradions moins les zones périphériques avec de fortes doses », explique le professeur Éric Deutsch, chef du service de radiothérapie de l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif, dans le Val-de-Marne. « En revanche, nous touchons davantage le corps entier avec de faibles doses liées à l’utilisation de nombreux scanners pour appliquer les rayons plus précisément. »

Les traitements de radiothérapie sont de plus en plus précis et techniques. Surtout, les chances de guérison des cancers et l’espérance de vie des patients augmentent, ce qui nécessite de mieux évaluer les effets indésirables à long terme. Le premier travail des chercheurs est de mieux cartographier et quantifier les rayonnements ionisants qui touchent les tissus sains, notamment pour les nouveaux traitements.

 

Protonthérapie et mini-faisceaux : mieux évaluer les doses

Technique de radiothérapie qui utilise des protons plutôt que des rayons X, la protonthérapie est de plus en plus utilisée dans le traitement des cellules cancéreuses en raison de sa précision. Toutefois, cette méthode a la particularité de créer des neutrons secondaires produits par l’appareil et par le corps du patient.

En partenariat avec l’Institut Curie et le centre Antoine-Lacassagne de Nice, l’IRSN a étudié le comportement des lignes de faisceau en protonthérapie puis développé un modèle mathématique pour prédire les doses secondaires sur plusieurs organes : poumons, foie, cœur, reins… « Notre modèle n’est pas encore utilisable mais il donne des ordres de grandeur », commente Isabelle Clairand, chercheuse en dosimétrie à l’IRSN. À terme, il devrait permettre aux professionnels de proposer des plans de traitement efficaces, mais avec moins de risques d’effets secondaires.

L’Institut étudie également les techniques par mini-faisceaux afin de mesurer la dose délivrée par les plus petits de ces faisceaux – champs inférieurs à 1 cm. Grâce à ces connaissances, les praticiens pourront demain utiliser les plus petites tailles de faisceaux disponibles sur leurs appareils de traitement.

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Cancer du sein : prévenir le risque cardiovasculaire

En raison de sa position anatomique dans la région thoracique, le cœur est un organe à risque pour le traitement du cancer du sein par radiothérapie. Jusque dans les années 1990, ces radiothérapies étaient responsables d’une mortalité accrue par maladie cardiovasculaire. Même si les traitements sont aujourd’hui plus protecteurs, l’IRSN a lancé le projet Baccarat pour connaître les doses résiduelles au cœur et leurs éventuelles conséquences.

« Des études sont réalisées sur de grandes cohortes de patients pour connaître les complications à long terme au niveau de cet organe », présente Sophie Jacob, épidémiologiste à l’IRSN. « Une étude clinique observationnelle et prospective est menée avec la clinique Pasteur, à Toulouse. Nous suivons les patientes dès leur entrée en traitement et pendant deux ans après la radiothérapie. » Des examens médicaux réguliers, notamment d’imagerie cardiaque, sont réalisés pour observer les éventuelles lésions au cœur avant qu’elles ne soient symptomatiques ou entraînent un risque cardiovasculaire avéré.

« Nous voyons les zones les plus sensibles et les plus exposées de l’organe. Nous espérons proposer des mesures de prévention comprenant l’optimisation de la dose aux structures les plus critiques du cœur. Nous travaillons sur l’identification précoce des patientes à risque et la mise en place d’un suivi ad hoc. »

 

Radiothérapie interne : adapter la dose à chaque patient

Grâce aux progrès de la génétique, de nouveaux traitements de radiothérapie « interne vectorisée » (également appelé médecine nucléaire thérapeutique) ont été développés depuis la fin des années 2000. Liée à une molécule, la substance radioactive va se fixer spécifiquement sur les cellules cancéreuses pour délivrer les rayons à un endroit précis. Néanmoins, ces médicaments ne vont pas au même endroit et dans les mêmes proportions chez tous les patients. Des travaux de recherche sont donc en cours afin de trouver le moyen de définir la juste dose, nécessaire et suffisante pour chaque malade

Cette problématique se pose avec plus d’acuité avec l’arrivée des alphathérapies. « En 2018, une radiothérapie interne vectorisée utilisant des émetteurs alpha a montré des résultats extraordinaires dans le cancer de la prostate », déclare le professeur Florent Cachin, président de la Société française de médecine nucléaire. Son souhait : obtenir de nouvelles connaissances et des outils utilisables en clinique, à l’instar du logiciel Œdipe, développé par l’IRSN, qui indique la dose absorbée organe par organe.

L’IRSN mène des recherches sur ce sujet avec l’Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris. Par rapport aux radiopharmaceutiques à rayonnement bêta, « les alphathérapies délivrent une énergie bien plus importante sur une distance très courte. Il faut donc limiter leur diffusion à distance de la zone à traiter en revoyant les calculs, les outils, les procédures ou encore les logiciels », annonce Aurélie Desbrée, spécialiste de la dosimétrie interne à l’Institut.

 

Incidents de radiothérapie : éviter les erreurs humaines

Sylvie Thellier et Valérie Vassent, expertes en facteurs humains à l’IRSN, s’intéressent aux défauts organisationnels qui peuvent conduire à des erreurs de fractionnement et d’étalement de la dose en radiothérapie et à des surdosages des patients. « Nous cherchons les contextes organisationnels et techniques qui favorisent la survenue d’erreurs. L’objectif est de proposer des mesures correctrices. »

Saisi par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’Institut a examiné 17 incidents de radiothérapie survenus entre 2013 et 2015. Des facteurs d’erreur ont été mis en évidence : des périodes de congés, des plans de traitement complexes, multiples ou inhabituels, l’absence de prescription médicale initiale. L’ASN en a tiré des recommandations à destination des professionnels : plus grande formalisation des prescriptions, intégration des systèmes informatiques afin de limiter les saisies manuelles de données…

L’IRSN propose l’organisation d’espaces de partage de l’activité pour que les professionnels identifient les risques lors de la préparation et de l’administration d’une radiothérapie. Ce travail, objet de la thèse soutenue par Sylvie Thellier en décembre 2017, a fait l’objet de plusieurs articles dans des revues professionnelles.