Savoir et comprendre

Fukushima : les progrès issus de la recherche

23/03/2016

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Afin de mieux protéger la population, de nouveaux programmes de recherche ont été lancés depuis l'accident de Fukushima. Certains ont déjà permis de mieux comprendre les phénomènes liés à un accident grave et d'améliorer la modélisation de ses conséquences pour l’environnement.

 

Les avancées en sûreté nucléaire

 

L’accident de Fukushima a montré une vulnérabilité des installations nucléaires en cas d’agressions naturelles extrêmes et multiples. Il a confirmé l’intérêt des recherches sur les accidents graves des réacteurs et a souligné l’importance à accorder à ceux pouvant survenir dans les piscines d’entreposage du combustible usé.

 

Télécharger la note Recherches en sûreté nucléaire à l’IRSN à la suite de l’accident de Fukushima (PDF)

 

Lire la lettre scientifique Aktis 23 Recherche sur les accidents de réacteurs nucléaires, 5 ans après Fukushima (PDF)

 

Toutefois, les événements qui se sont déroulés au Japon n’ont pas amené à identifier de nouveaux thèmes de recherche. Ils ont davantage conduit à faire évoluer la priorité ainsi que le contenu de certains programmes d’ores et déjà prévus. Ces choix ont fait l’objet de réflexions internationales auxquelles l’IRSN a largement contribué. La France est néanmoins l’un des rares pays où ces orientations ont été soutenues par les pouvoirs publics à travers les appels à projets de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

 

Les recherches menées dans un cadre national

 

Les projets ANR coordonnés par l’IRSN ou auxquels l’Institut contribue s’intéressent aux différents phénomènes impliqués dans les accidents de fusion du cœur des réacteurs.

Les programmes ICE (Interaction Corium-Eau) et MITHYGENE (MITigation HYdroGENE) portent sur les phénomènes pouvant mettre en cause l’étanchéité de l’enceinte de confinement des réacteurs, à savoir les explosions de vapeur (ICE) ou d’hydrogène (MITHYGENE). Lire dans Aktis n°23 : Mieux prévenir le risque d'explosion d'hydrogène

 

Un axe de recherche majeur pour réduire les conséquences d’un accident est la maitrise des rejets d’éléments radioactifs, notamment de l’iode et du ruthénium. L’accent est maintenant mis sur l’étude de leur rétention par des moyens de filtration plus efficaces, notamment pour les espèces volatiles. C’est l’objet du programme MIRE (MItigation des REjets). Ces travaux viendront enrichir ASTEC, le logiciel de simulation des accidents graves de l’IRSN.

 

Le programme DISCOMS (DIstributed Sensing for COrium Monitoring and Safety) porte sur le développement et la qualification de moyens de mesure permettant la localisation du corium lors d’un accident de fusion du cœur. L’IRSN contribue au projet par des calculs complexes d’irradiation.

 

Les programmes DENOPI (Dénoyage accidentel de piscine d’entreposage de combustible nucléaire) et PERFROI (Etude de la PERte de reFROIdissement), étudient le comportement du combustible lors de deux situations accidentelles.

 

L’IRSN contribue au projet SINAPS (Séisme & Installations Nucléaires : Assurer et Pérenniser la Sûreté) piloté par le CEA, qui porte sur l’étude des séismes depuis l’aléa sismique jusqu’au comportement des structures et équipements.

 

L’IRSN pilote également deux actions du programme AGORAS (Amélioration de la Gouvernance des Organisations et des Réseaux d’Acteurs pour la Sûreté nucléaire) coordonné par l’Ecole des Mines de Nantes. La première action s’intéresse aux décisions de conception concernant les accidents graves et les agressions d’origine naturelle avant l’accident de Fukushima. La deuxième action s’intéresse à la manière dont un accident, et celui de Fukushima en particulier, transforme les processus de production et de mobilisation des savoirs.

 

D'autres projets de recherche sont menés par l’IRSN. PROGRES (PROGression et REfroidissabilité du corium, Stabilisation d’un accident grave) étudie le refroidissement d’un lit de débris à la suite d’une fusion de cœur. Pour ce faire, des essais (cf. simulation ci-contre) reproduisant un accident sont réalisés dans la nouvelle installation expérimentale PEARL
Lire dans Aktis n°23 : Efficacité et maîtrise d’une injection d’eau dans un cœur en fusion

 

Sur la question clé des facteurs organisationnels et humains, l’IRSN a publié en 2015 un premier rapport (« A Human and Organizational Factors Perspective on the Fukushima Nuclear Accident »)  qui sert de base à une analyse de la gestion des risques et du management de crise. Par ailleurs, l’IRSN contribue aux travaux de la chaire RESOH (REcherche en Sûreté Organisation Hommes) dont un des thèmes de recherche privilégié est la sous-traitance.

 

Les recherches menées dans un cadre international

 

L’IRSN a renforcé sa collaboration au Japon avec la NRA (Nuclear Regulatory Authority) et la JAEA (Japan Atomic Energy Agency), et contribue également aux travaux du Comité sur la Sûreté des Installations Nucléaires (CSNI) et de l’Agence pour l’Energie Nucléaire (OCDE/AEN).

 

Gestion des accidents. L’IRSN a contribué à trois rapports de l’OCDE/AEN portant sur l’amélioration des systèmes d’éventage et de filtration des enceintes de confinement, sur la comparaison des codes de calcul rapide des rejets dans l’environnement, et sur les accidents de perte de refroidissement des piscines d’entreposage du combustible usé. L’Institut a également participé au rapport du CSNI sur les risques liés à l’hydrogène et à son séminaire sur la performance humaine dans des conditions extrêmes et les conditions d’une organisation résiliente. Enfin, l’IRSN pilote le programme expérimental STEM sur le comportement à long terme de l’iode sous irradiation dans l’enceinte de confinement et du ruthénium dans le circuit primaire d’un réacteur. 

 

Agressions externes. L’IRSN participe au groupe de travail de l’OCDE/AEN sur les événements externes d’origine naturelle. Les premiers travaux engagés par le groupe portent sur les inondations.

 

Systèmes électriques. Le projet ROBELSYS (ROBustness of ELectrical SYStems of NPPs in Light of the Fukushima Accident) a permis d’identifier les besoins de recherche sur les possibilités de connexion à des sources électriques au plus près et aux dispositions de protection des systèmes de distribution électrique.

 

Compréhension de l’accident de Fukushima et démantèlement. Le projet BSAF (Benchmark Study of the Accident at the Fukushima Daiichi Nuclear Power Plant) porte sur le calcul des scénarios accidentels de réacteurs. Dans le cadre du programme SAREF (Safety Research Opportunities Post-Fukushima) visant à combler les connaissances en amont du démantèlement des réacteurs de Fukushima, l’IRSN s’intéresse à la dégradation du cœur des réacteurs en cuve.

 

L’IRSN pilote enfin quatre projets européens en rapport avec l’accident de Fukushima :

  • Le projet PASSAM (Passive and Active Systems on Severe Accident source term Mitigation) porte sur l’amélioration des systèmes d’éventage et de filtration des produits de fission susceptibles d’être rejetés dans l’environnement en cas d’accident de fusion du cœur.
  • Le projet CESAM (Code for European Severe Accidents Management) porte sur l’amélioration de certains modèles du logiciel ASTEC en lien direct avec l’accident de Fukushima. La version 2.1 du code a été livrée début 2015 et le projet doit se terminer en 2016.
  • Le projet ASAMPSA_E aboutira en 2016 à la parution de guides de bonnes pratiques et des recommandations pour traiter les différents événements extrêmes et leur combinaison dans les études probabilistes de sûreté. Ce projet regroupe 28 organisations de 18 pays européens.
  • Le projet IVMR (In vessel melt retention) lancé en 2015 par 23 organismes de sûreté, instituts de recherche et industriels, vise à développer les connaissances et les outils permettant d’apprécier l’efficacité de mesures de stabilisation et de rétention du corium dans la cuve du réacteur lors d’un accident de fusion du cœur. Il devrait également fournir des éléments techniques permettant d’optimiser la conception de nouveaux réacteurs.

 

Télécharger la note Recherches en sûreté nucléaire à l’IRSN à la suite de l’accident de Fukushima (PDF)

 

Les avancées en radioprotection

 

En situation de crise

 

L’accident de Fukushima a montré la réactivité – l’IRSN a été le premier à publier des cartes de contamination - et la pertinence des outils développés par l’Institut pour évaluer la contamination de l’air et de la mer dans la foulée d’un accident. Cependant, des axes d’amélioration ont également été identifiés.

 

Un nouveau modèle a été développé en complément pour évaluer les rejets à partir de données simplifiées. Des collaborations se poursuivent avec le Japon pour tenir compte de toutes les données météorologiques dans l’évaluation des dépôts (brouillard et neige) et tester différents modèles de rabattement par la pluie. Il reste aussi à mettre au point un modèle opérationnel dans le domaine marin : c’est l’objet du projet STERNE. Par ailleurs, pour adapter les modalités de prise d’iode à un accident présentant des rejets multiples, le programme PRIODAC est soutenu par l’ANR.

 

Enfin, la complexité des décisions à prendre, et les incertitudes sur les seuils à partir desquels une évacuation des territoires contaminés est nécessaire pour la santé publique renforcent le besoin de mieux comprendre les effets des expositions chroniques à de très faibles doses de rayonnements.

 

Lire dans Aktis n°16 : Caractériser les rejets d'un accident à l'aide du débit de dose

Lire la page Les leçons de Fukushima en France

 

En phase post-accidentelle

 

Au-delà de l’urgence, il faut gérer les territoires contaminés et l’impact qu’ils peuvent avoir sur la santé à long terme. A Fukushima, à la différence de l’accident de Tchernobyl, des programmes de recherche ont été lancés peu de temps après l’accident en collaboration avec les Japonais.

 

L’un des programmes les plus importants est AMORAD, soutenu par l’ANR et mené avec 13 partenaires dont l’université japonaise de Tsukuba. Son objectif est d’améliorer les modèles de dispersion et l’évaluation de l’impact des radionucléides dans l’environnement, dans des domaines qui n’ont pas ou peu été traités à Tchernobyl :

  • l’écosystème forestier. Ces programmes de recherche visent à améliorer la capacité des modèles opérationnels à prédire l’évolution de la contamination et des débits de dose à moyen et long terme.
  • les transferts de radionucléides vers les rivières et les fleuves jusqu’à la mer (dont érosion et sédiments) et le transfert des radionucléides dans les sédiments et dans les organismes marins. Des modèles permettent de décider des interdictions de consommation durant la crise. En revanche, il n’en existe pas d’assez précis pour prédire l’évolution de la contamination à moyen et long termes. Afin de construire cette modélisation, Mokrane Belharet a mené une thèse à l’IRSN sur le transfert du césium dans les organismes de certains poissons marins.

 

L'équipe du Laboratoire d'études radioécologiques en milieu continental et marin (LERCM), en collaboration avec l'Institute of Environmental Radioactvity de l'Université de Fukushima réalise un prélèvement sédimentaire à l'aide d'un carottier UWITEC - © Médiathèque IRSN

Lire Aktis n°23 - Numéro Spécial Fukushima

  • La recherche sur les accidents de réacteurs nucléaires, 5 ans après Fukushima
  • Efficacité et maîtrise d’une injection d’eau dans un cœur en fusion
  • Mieux prévenir le risque d’explosion d’hydrogène
  • Contamination accidentelle - Intercomparaison de résultats issus de modèles de dispersion de la contamination au Japon
  • Mieux modéliser la contamination des forêts pour soutenir la gestion du long terme
  • De l’importance d’estimer précisément les​ doses de rayonnement absorbées
  • Modéliser la contamination des poissons
  • Comparaison de mesures faites par des lycéens en quête d’une culture de radioprotection